Entreprises étrangères en France et détachement de salariés

Décision de justice
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A l’occasion d’une affaire portant sur une amende administrative infligée par l’administration du travail (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de Bourgogne-Franche-Comté, après contrôle de l’inspection du travail), le tribunal administratif de Dijon a jugé trois questions importantes pour les entreprises étrangères recrutant des salariés en France dans un jugement rendu public le 16 juin 2022.

Tout d’abord, le tribunal a jugé qu’une entreprise étrangère ne disposant pas d’établissement en France pouvait recruter en France des salariés français, européens ou étrangers (disposant d’une autorisation de travail en France), sans être tenue de recourir au cadre légal du détachement international.

 

Le détachement est un cadre juridique issu du droit de l’Union européenne, que la France a choisi d’étendre à l’ensemble des entreprises étrangères, permettant à ces entreprises de détacher, pour une durée limitée, certains de ses salariés en France, pour y réaliser une prestation de services (par exemple une entreprise espagnole de maçonnerie réalisant un chantier de construction en France). Dans un tel cas, l’entreprise étrangère peut poursuivre l’exécution du contrat de travail de droit étranger qui la lie à chacun de ses salariés et continuer à payer les cotisations sociales dans le pays d’origine (sous certaines conditions), tout en étant tenue de respecter les règles fondamentales du droit du travail français.

 

Le tribunal a également fait application d’un principe dégagé tant par la Cour de justice de l’Union européenne que par le Conseil d’Etat, qui peut se résumer selon la formule « à texte unique, interprétation unique ». Il a constaté que la France avait entendu, à l’occasion de la transposition des directives de l’Union européenne relatives au détachement, étendre cette législation à l’ensemble des situations de détachement intervenant sur le territoire français, quel que soit le pays d’origine de l’entreprise concernée. Il en a conclu qu’il y avait lieu d’apprécier l’existence éventuelle d’une situation de détachement à l’aune des critères définis par l’Union européenne, même dans le cas d’une entreprise établie hors de l’Union.

 

Enfin, le tribunal a jugé que l’accord du 21 juin 1999 entre l’Union européenne et la Suisse avait entendu limiter l’extension du principe européen de libre prestation de services aux prestations de services d’une durée inférieure à 90 jours au cours d’une année civile (qu’il s’agisse d’une entreprise suisse intervenant en France ou d’une entreprise française intervenant en Suisse). Il en a conclu que le droit européen relatif à la libre prestation et au détachement n’était pas applicable à la situation d’une entreprise de droit suisse réalisant en France une prestation de services d’une durée de six mois environ, et, dès lors que seul le droit français était applicable à une telle situation.

 

Si l’ensemble de ces constats a amené le tribunal à annuler la sanction administrative, en matière de détachement, infligée par l’administration à la société suisse qui l’avait saisi, le tribunal a néanmoins maintenu d’autres sanctions financières infligées à cette société en raison de l’absence de respect de dispositions fondamentales du code du travail.

Voir le jugement 2001216-2002827