Révision des valeurs locatives des locaux professionnels

Décision de justice
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Le tribunal administratif de Dijon a statué le 25 avril 2023, à la demande de deux enseignes nationales de la grande distribution, sur une question de droit nouvelle relative aux conséquences de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Il a jugé que la commission intercommunale des impôts directs de la communauté d’agglomération Mâconnais Beaujolais Agglomération pouvait fixer des coefficients de localisation, en matière de taxe foncière (TF) et de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour la première fois à effet en 2019, sans que ces coefficients soient pris en compte rétroactivement pour le calcul des exonérations partielles mises en place par le législateur à compter de l’année 2017.

Qu’est-ce que la révision des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP) ?

Le législateur a décidé en 2010, dans la loi de finances rectificative pour 2010, d’engager une réforme des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP), servant de base au calcul de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises. Cette réforme avait pour but de remédier aux difficultés résultant de l’ancien dispositif. Celui-ci se fondait en effet, d’une part, sur le système des valeurs locatives cadastrales constatées en 1970, sans avoir jamais fait l’objet d’une réelle actualisation, et d’autre part, le plus souvent, sur une méthode dite « par comparaison » avec des locaux-types, dont beaucoup depuis 1970, avaient soit disparu, soit changé de surface ou d’activité et n’étaient donc plus appropriés.

Désormais est appliquée une méthode « tarifaire ».

Dans le cadre de cette révision, une nouvelle méthode d’évaluation a été mise en place, la méthode tarifaire. Cette méthode est applicable à tous les locaux professionnels, à l’exception des établissements industriels. La valeur locative révisée est désormais le produit de la surface pondérée par un tarif au mètre carré, éventuellement ajusté par un coefficient de localisation. Le pouvoir réglementaire a défini 38 catégories de locaux et chaque local à évaluer est rattaché à l’une d’elles, en fonction de la nature de l’activité principale qui y est exercée. Des tarifs au mètre carré sont définis dans chaque secteur d’évaluation et pour chacune de ces 38 catégories. La commission intercommunale des impôts locaux peut également décider de mettre en œuvre des coefficients de localisation, afin de tenir compte de la situation particulière de la parcelle d’assise de la propriété au sein du secteur d’évaluation (par exemple l’existence d’une zone commerciale).

Les exonérations partielles mises en place par le législateur à effet à compter de 2017.

Le législateur a souhaité mettre en place deux dispositifs destinés à rendre la réforme soutenable pour les contribuables et à éviter les variations trop importantes (tant à la hausse qu’à la baisse) des impositions résultant de cette réforme par rapport aux impositions antérieures. Ces deux dispositifs portent les noms de « planchonnement » et de « lissage ». Le premier (planchonnement) limite la variation (à la hausse comme à la baisse) à 50 % de l’écart constaté entre la nouvelle valeur locative et l’ancienne. Le second (lissage) étale la hausse ou la baisse résultant du changement de méthode et de valeur locative, en la lissant sur dix ans, de 2017 à 2026 (à raison de 10 % supplémentaires chaque année).

Le litige qui était soumis au tribunal.

Dans le périmètre de la communauté d’agglomération Mâconnais Beaujolais Agglomération, la commission intercommunale des impôts directs n’a pas mis en œuvre les coefficients de localisation (permettant de moduler à la hausse, comme à la baisse, la valeur locative de 10, 20 ou 30 %) dès l’année 2017, comme elle en avait la possibilité, mais seulement à la fin de l’année 2018, à effet en 2019. De fait, les sociétés requérantes, qui avaient vu leurs parcelles affectées d’un coefficient de localisation de 1,3 (+ 30 %) n’avaient pas vu ce « supplément » pris en compte en 2017 pour le calcul des exonérations partielles dont elles bénéficient au titre du planchonnement et du lissage. Elles demandaient donc que ces exonérations soient révisées compte tenu de la mise en place de ces coefficients de localisation.

La réponse du tribunal.

Le tribunal a constaté que le législateur avait prévu que les montants d’exonérations résultant du planchonnement et du lissage, applicables pour les années 2017 à 2025, étaient nécessairement calculés par comparaison entre les valeurs locatives et les montants d’impôt au titre de 2017 (et non d’une année ultérieure) et ceux au titre de 2016. Il a également constaté que le législateur avait prévu que les coefficients de localisation pouvaient être mis en place ou révisés, tant en 2017, qu’au cours d’une année ultérieure (désormais, au cours des troisième et cinquième années qui suivent celle du renouvellement général des conseils municipaux). En a donc été déduit que la loi faisait obstacle à ce que soient recalculées les exonérations calculées en 2017, dans le cas de l’application des coefficients de localisation en 2018 ou postérieurement, et quand bien même l’application de ces coefficients ne résulterait pas d’un changement de circonstance de faits.

Le tribunal administratif de Dijon est le premier à se prononcer sur cette question, soulevée par différentes enseignes commerciales dans plusieurs départements.

Voir le jugement n°2200995