Le tribunal administratif de Dijon, à la demande de la Confédération paysanne de Bourgogne-Franche-Comté, a annulé partiellement, par un jugement du 30 mars 2023, le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), édicté le 12 octobre 2021 par le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté
A quoi sert le schéma directeur régional des exploitations agricoles ?
Ce schéma est un document à caractère réglementaire, qui définit notamment, au niveau régional, les seuils et critères permettant d’appliquer la législation et la réglementation nationales relatives au contrôle des structures agricoles. Cette politique publique, mise en place en France en 1962, a pour objet de réguler l’accès au foncier agricole, en soumettant un certain nombre d’opérations d’agrandissement d’exploitations à autorisation administrative.
Quelles sont les dispositions annulées par le tribunal ?
Le seuil d’application de la réglementation : annulation différée
Le tribunal a tout d’abord annulé le seuil de taille d’exploitation (75, 110 ou 140 hectares, selon les zones géographiques), à partir duquel s’applique le régime du contrôle des structures, c’est-à-dire le régime des autorisations d’exploiter délivrées par les services déconcentrés de l’Etat. Le tribunal, comme la cour administrative d’appel de Lyon l’a déjà jugé, a considéré que ce seuil, calculé en prenant en compte la moyenne des seules moyennes et grandes exploitations, en méconnaissance des dispositions du code rural, est illégal.
Compte tenu de l’incidence d’une telle annulation, et de l’intérêt général qui s’attache à son maintien temporaire, dans l’attente de la fixation d’un nouveau seuil, le tribunal a jugé que cette annulation ne prendra effet qu’au 1er octobre 2023. Le préfet de région dispose donc d’un délai de six mois au maximum pour définir un (ou plusieurs) nouveau(x) seuil(s).
Les franchises appliquées aux cultures végétales : annulation immédiate
Le tribunal a également annulé les dispositions du schéma prévoyant des « franchises » appliquées à certaines cultures végétales (fruits, légumes, fleurs, plantes aromatiques, médicinales et condimentaires) pour déterminer la dimension économique d’une exploitation. Cette dimension économique est utilisée par les services déconcentrés de l’Etat, lors de l’instruction des demandes d’autorisation d’exploiter, pour déterminer les rangs de priorité respectifs des exploitants agricoles lorsque plusieurs demandes concurrentes sont enregistrées pour une même parcelle.
Cette annulation a été prononcée en raison d’un vice de procédure : le tribunal a estimé que les dispositions annulées constituaient, en raison de leur portée et de leur précision, une question nouvelle. Or, cette question n’a pas été soumise pour avis à la commission régionale de l'économie agricole et du monde rural, dans laquelle siègent les syndicats d’agriculteurs, mais a été ajoutée après la séance d’examen par cette commission du projet de SDREA.
L’effet de cette annulation est rétroactif : l’annulation s’appliquera donc à la date d’édiction du SDREA. Elle ne fait cependant pas obstacle à ce que le préfet reprenne des dispositions de même nature, sous réserve de leur légalité, dans le respect d’une procédure régulière.
La méthanisation devra être prise en compte dans un délai de six mois
Le tribunal a enfin considéré que le schéma directeur régional des exploitations agricoles méconnaissait le code rural, en écartant du champ d’application des autorisations administratives, l’activité de méthanisation de matières majoritairement d’origine agricole, plus précisément « la production et, le cas échéant, la commercialisation de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles », qui sont qualifiées d’activités agricoles par l’article L. 311-1 de ce code.
Le tribunal a accordé, là encore, un délai de six mois au préfet de région pour définir les modalités de prise en compte de cette activité, qui contribueront à déterminer si une opération est soumise à autorisation administrative ou non.
Les trois annulations prononcées s’appliquent aux dates prévues dans le jugement du 30 mars 2023, sur l’intégralité du territoire de la région Bourgogne-Franche-Comté.